Bob Johnson grimpe régulièrement aux Shawangunks (Gunks), une falaise en trad de New York. Il a progressé dans les niveaux les plus faciles, réussissant des 3, des 4, des 5a et 5b, et s’est amélioré rapidement. Puis, Bob a décidé de grimper des 5c, qui demandaient plus de force mentale et physique. Il avait déjà été quelque peu mis à l’épreuve en 5a/b. En pensant grimper des 5c, il avait l’estomac noué et l’esprit anxieux. Il voulait que les voies soient terminées et se trouver au sommet.
Il grimpa plusieurs 5c dans cet état de stress, les trouva difficiles, mais s’en sortit bien. Il a ensuite choisi Birdland, considéré comme l’un des 5c les plus difficiles. Lorsqu’il est arrivé, une autre cordée s’y trouvait. Il a donc décidé de grimper un 5b voisin à la place. Après avoir terminé ce 5b, il a décidé de ne pas retourner dans Birdland, même si personne ne s’y trouvait et a préféré grimper d’autres 5b.
Lors de sa prochaine session aux Gunks, Bob décida de retourner dans Birdland. Il commença à grimper et rencontra rapidement des difficultés. Il identifia la prochaine position de repos, environ trois mètres plus haut. L’escalade jusqu’à cette position semblait difficile, il a alors cherché une alternative plus facile. Il a vu de plus grandes prises allant vers la droite, il les a donc suivies, mais elles l’ont mené à un cul-de-sac. Il est retourné sur la gauche et s’est positionné en dessous de la partie difficile à escalader. Il voulait faire marche arrière.
Bob décidait des voies à gravir en fonction de leur difficulté. Quand il envisageait de grimper un 2, il se demandait : “Est-ce que je peux le faire ou non ?”. Comme les 2 sont très faciles, même pour les débutants, il répondait “oui”. Il a donc escaladé des voies de 2. Il a ensuite appliqué le même processus de décision aux 3, 4, 5a et 5b. Lorsque la difficulté est passée à 5c, il ne pouvait plus répondre “oui” à cette question.
La question “Puis-je le faire ou non ?” se concentre sur l’objectif final et le désir de l’ego de l’atteindre. Cela motive l’esprit vers une réalisation future, en recherchant le confort que nous éprouverons lorsque l’objectif sera atteint.
Réussir des cotations plus élevées, bien sûr, demande du travail. Le désir de réalisation de l’ego nous prend au piège de la motivation, tiraillés entre le désir de réalisation et la résistance à faire le travail. Nous finissons par ne pouvoir satisfaire aucune des deux motivations, ce qui laisse le corps noué et l’esprit anxieux.
Lorsque nous sommes pris dans ce piège de la motivation, nous nous résignons à grimper des voies dans notre zone de confort. Ou bien, nous grimpons des voies difficiles tout en cherchant à éviter de faire le travail requis. C’est ce qui est arrivé à Bob au départ. Il a évité Birdland en grimpant des 5b à la place. Lorsqu’il est finalement arrivé dans Birdland, il a cherché à échapper au stress en suivant une ligne de grandes prises sur la droite, ce qui l’a conduit à un cul-de-sac.
Se demander “Est-ce que je peux le faire ou pas ?” n’est pas la question correcte à se poser face à un défi. Si la voie est difficile, elle se situe en dehors de notre zone de confort. Donc, évidemment, nous ne pouvons pas répondre “oui” à cette question. Nous savons seulement que nous pouvons faire une voie qui se situe dans le domaine de ce que nous avons déjà expérimenté, notre zone de confort. Cette question nous pousse à penser “tout ou rien”. Si nous décidons que nous ne pouvons pas “tout” faire, nous ne faisons “rien”.
Il est important de progresser par petits pas pour développer ses compétences. Le fait de commencer par des cotations plus faciles diminue les risques de chute, réduit le stress et nous permet d’apprendre les compétences de base dans une situation plus confortable. Les voies avec les cotations les plus faciles des Gunks sont des zones de non-chute. Elles sont en dalles et comportent des obstacles, comme des vires. Mais plus la difficulté augmente, plus les voies sont raides, ce qui diminue les obstacles.
Le défaut de la plupart des grimpeurs est de continuer à se pousser vers des cotations plus difficiles sans acquérir d’expérience de la chute. Il est important d’être dans nos zones de oui-chute lorsque l’on se pousse. Se familiariser avec la chute nous aide à répondre aux chutes qui finiront par se produire.
The Warrior’s Way® définit les zones de oui-chute comme des zones où les chutes potentielles sont similaires à celles que nous avons déjà expérimentées. Par conséquent, toutes les voies sont des zones de non-chute si nous n’avons pas d’expérience de la chute. Ainsi, lorsque nous nous lançons dans des voies plus difficiles, sans expérience de chute, nous grimpons dans des zones de non-chute, à notre limite et prenons des risques inappropriés.
Bob savait qu’il devait acquérir l’expérience de la chute pour diminuer son anxiété lors de l’escalade de 5c. Il s’est donc inscrit au Warrior’s Way Trad Camp à New River Gorge. Il a appris comment chuter et a développé la confiance qu’il pouvait avoir dans son équipement de trad. Il a également appris l’importance de changer sa motivation pour trouver de petites façons de relever les défis.
Les décisions concernant les voies à gravir doivent être prises différemment une fois que les compétences de base et les chutes sont acquises. Nous demandons “Quelles sont les conséquences de la chute ?” et non “Est-ce que je peux le faire ou non ? La question “Quelle sont les conséquences de la chute ?” est une question à laquelle nous pouvons répondre si nous avons de l’expérience de la chute.
Au lieu de permettre à l’esprit de penser en termes de tout ou rien, nous nous concentrons sur la réalisation de petits pas. Il est plus facile de faire un petit pas, ce qui concentre notre attention sur le travail que nous faisons. Nous échappons au piège de la motivation en changeant ce sur quoi nous nous concentrons.
Revenons à Bob dans Birdland. Il était positionné en dessous de la section difficile et avait un choix à faire. Il ne voulait pas reculer et s’est donc forcé à continuer. Il s’est demandé “Que puis-je faire d’autre ici ?” Il a rapidement identifié des prises de pieds plus hautes et les a utilisées ainsi que des prises de mains plus petites et a facilement pu grimper jusqu’à la prochaine prise de pieds. Puis il a continué à grimper. Chaque fois qu’il ressentait l’envie de reculer, il se demandait : “Que puis-je faire ici ?”. Avant qu’il ne s’en rende compte, il avait fait tout ce qu’il avait à faire et se trouvait au sommet de la longueur.
Nous échappons au piège de la motivation en acquérant une expérience de la chute et en prenant des décisions fondées sur les conséquences de la chute. Sans le corps noué et l’esprit anxieux, nous pouvons nous détendre et faire notre travail. Nous comprenons que le fait d’être stressé, de travailler malgré le stress, est la raison pour laquelle nous sommes venus au défi en premier lieu. C’est en faisant le travail que nous grandissons en tant que grimpeurs.
Nous n’avons pas à être victimes du piège de la motivation de l’ego. Nous pouvons plutôt concentrer notre attention sur le fait de faire de petits pas dans le stress, de nous détendre et d’apprécier l’ensemble du processus. Nous pouvons nous demander : “Que puis-je faire ici ?” comme Bob l’a fait. Ce changement modifie notre façon d’aborder les défis. Avec la pratique, nous n’aurons plus besoin de nous forcer à nous engager ; nous nous engageons intentionnellement, en concentrant notre attention sur les petites actions qui nous permettent de relever le défi. Nous ne sommes pas motivés uniquement par la réalisation, en nous attendant à échouer ; nous sommes principalement motivés par le fait d’apprécier le défi, en nous attendant à chuter. La chute et le travail deviennent des éléments importants de notre parcours d’escalade.
Conseil Pratique : Changez votre façon de prendre des décisions
Vous avez tendance à prendre des décisions sur les voies à grimper en fonction de leur difficulté. Vous vous demandez essentiellement : “Puis-je la grimper sans chuter ?” Mais, si vous voulez grimper des voies difficiles, vous allez chuter. Par conséquent, préparez-vous à chuter.
Tout d’abord, acquérez de l’expérience en matière de chute. Vous devez savoir comment chuter. Ce n’est pas un point banal. Chuter est dangereux. C’est une compétence et vous devez apprendre exactement comment la mettre en œuvre. C’est ce qui est enseigné dans les ateliers The Warrior’s Way®.
Deuxièmement, évaluez les conséquences de la chute pour déterminer les voies à gravir. Les voies les plus difficiles sont généralement mieux protégées et plus raides, générant moins d’obstacles que les voies plus faciles. L’escalade de voies plus difficiles augmente les risques de chute, mais ce n’est pas grave. Vous vous attendez à chuter.