J’ai vécu à Casper, dans le Wyoming, au début des années 1980. J’étais mariée, je travaillais comme géologue et je faisais de l’escalade dans la région. On pourrait croire que je vivais ma vie de rêve, mais ce n’était pas le cas. Je voulais être libre de voyager et de grimper à plein temps, d’être, comme on disait à l’époque, un vagabond-grimpeur (ndt. en anglais : a climbing bum). J’étais frustré et je me sentais coincé, incapable de m’échapper et de vivre la vie que je désirais. Je me souviens d’un moment de désespoir où j’ai dit : ” Les choses vont vraiment mal. Quand est-ce que quelqu’un va faire quelque chose pour ça ?” Je souffrais, déchiré entre deux réalités, et je ne savais pas comment y échapper.
Tara Brach est une psychologue qui a combiné des principes psychologiques avec des pratiques de méditation bouddhiste. Le bouddhisme enseigne qu’il y a une distinction entre douleur et souffrance. La douleur est inévitable ; la souffrance est causée par notre résistance à la douleur. Tara met cette distinction dans des équations intéressantes :
- Douleur x Résistance = Souffrance
- Douleur x Présence = Liberté
Je vivais la réalité de la première équation. La douleur était due aux luttes que je vivais. J’ai transformé cette douleur en souffrance en y résistant. Ma résistance a créé un écart entre la douleur que je ressentais et le fait d’être présent pour elle. La souffrance a comblé cet écart. Douleur, multiplié par résistance, égale souffrance.
Tara suggère de combler cet écart pour supprimer la souffrance et créer la liberté. La conscience est la clé. Nous acceptons et prêtons attention à la douleur. La douleur est juste une douleur. L’esprit crée un récit sur la douleur qui cause la souffrance. Dans mon cas, j’ai créé une histoire selon laquelle ma vie était vraiment mauvaise. Puis, je me suis demandé quand quelqu’un d’autre remarquerait ma souffrance, aurait pitié de moi et prendrait des mesures pour m’aider. C’est un stratagème typique de l’esprit. Il cherche la solution de facilité, transformant la douleur en souffrance.
Quand nous acceptons notre vie, alors nous sommes libres de nous tourner vers la vie que nous voulons vivre. Nous éprouverons toujours de la douleur, mais notre attention est libre pour passer à l’action. L’acceptation peut sembler comme un abandon, simplement s’adapter à la vie et rester dans la même situation. Mais ce n’est pas le cas. L’acceptation est requise avant que des mesures puissent être prises. En acceptant notre vie telle qu’elle est, nous sommes capables de nous libérer d’être enfermés. L’acceptation nous aide à voir ce qui est réel afin que nous puissions commencer à travailler avec lui.
J’ai eu besoin d’accepter ma vie telle qu’elle était, dans toute sa douleur. La première étape a été d’enlever l’étiquette “mauvaise”. Une vie pleine de luttes n’est pas mauvaise, c’est inévitable. La vie est difficile. Une fois que nous acceptons que ce soit difficile, le fait que c’est difficile n’a plus d’importance. Nous nous mettons simplement au travail. La deuxième étape a été d’assumer la responsabilité personnelle de nos situations, dans la mesure du possible. Au lieu d’attendre que quelqu’un d’autre résolve nos problèmes, nous regardons en nous-mêmes. Il est utile d’obtenir des conseils et du soutien de nos amis et de notre famille, mais en fin de compte, c’est notre responsabilité d’agir. En acceptant que la vie est une lutte, nous nous engageons volontairement et en assumons la responsabilité. Cela nous libère pour être présents, pour traverser nos luttes et pour profiter de tout le processus. La douleur, multiplié par être présent, égale la liberté.
Nous libérer des nombreux pièges de l’esprit nous oblige à faire exactement le contraire de ce que nous pensons devoir faire. Je pense que cela témoigne du paradoxe fondamental de la vie. Nous pensons que la vie devrait être ce que nous voulons qu’elle soit au lieu d’être ce qu’elle est réellement. Une grande partie de ce paradoxe est due à la création par l’ego d’une réalité illusoire séparée. Nos egos renforcent la perception de notre séparation, nous donnant l’impression que le monde est paradoxal. Nous voulons être à l’aise, mais nous obtenons du confort en nous engageant dans le stress. Nous voulons être aimés, mais nous obtenons l’amour en étant aimants envers les autres. Nous voulons une nouvelle vie, mais nous en menons une nouvelle en acceptant notre vie actuelle et en en assumant la responsabilité. Les premiers sont des exemples de focalisation sur nous-mêmes ; les seconds sont des exemples de focalisation sur le monde auquel nous sommes connectés. En déplaçant notre attention de la séparation vers la connexion, nous allons au-delà du paradoxe et vivons notre vie dans une réalité plus vraie. Ce faisant, notre souffrance se transforme en une simple expérience de la douleur. Plus important encore, nous ne cherchons pas à échapper à nos vies ; nous cherchons à les apprécier dans leur expression complète de la lutte et de la difficulté.