En 2015, mon ami Jeff Lodas et moi sommes allés dans les montagnes Bighorn du Wyoming pour grimper sur la face Est de Cloud Peak. La face Est est un mur de granit de 300 mètres, sillonné de lames noires et blanches. Nous nous sommes fixés comme objectif d’ouvrir une nouvelle voie dans cette paroi. Nous avons mis une semaine de provisions dans des sacs de 30 kg et avons commencé la marche de 20 km vers la montagne. Inutile de dire que nous avons commencé à souffrir.
Il y a une différence entre la souffrance physique et la souffrance mentale. La souffrance physique est une évidence. Si nous voulons escalader un big wall, nous allons souffrir physiquement à l’approche, en grimpant et au retour. Un effort physique important sera nécessaire pour atteindre l’objectif. Cependant, la souffrance mentale est optionnelle. Si l’esprit est concentré sur la résistance à la souffrance physique, alors nous souffrirons mentalement.
La souffrance augmente à mesure que notre attention est détournée du moment présent. Le corps est toujours dans le moment présent. Pour minimiser la souffrance physique, nous concentrons notre attention sur la qualité de notre engagement corporel. Pour y parvenir, nous nous détendons dans le stress du moment présent. Nous concentrons notre attention sur la respiration, sur une posture correcte, sur le fait de se détendre autant que possible, et sur nos sens. Si notre attention est concentrée sur le corps et sur ce que nous percevons avec nos sens, elle ne sera pas concentrée dans l’esprit, qui pense à échapper au stress.
L’esprit pense dans le moment présent, mais le processus de pensée lui-même concentre notre attention sur les expériences passées et les objectifs futurs. Cette démarche est nécessaire pour recueillir efficacement des informations, planifier et prendre des décisions. Cependant, une fois que la réflexion est terminée et que nous décidons de passer à l’action, il est nécessaire de positionner l’esprit comme observateur. L’esprit observe le corps lorsqu’il est engagé dans des situations stressantes. Nous souffrons mentalement et perdons de la puissance mentale si nous laissons l’esprit penser pendant l’action. L’esprit fait cela de plusieurs façons.
- Premièrement, au lieu d’accepter le stress comme faisant partie de l’expérience, l’esprit se concentre sur le souhait que la situation soit moins stressante. L’esprit souhaitera que la marche d’approche soit plus courte au lieu des 20 km, ou que le sentier soit plat plutôt que de parcourir des blocs de moraine glaciaire. Si nous permettons à l’esprit de concentrer notre attention sur les souhaits, notre pouvoir diminuera. Une partie de notre pouvoir sera appliquée par le corps pour gérer le stress et une partie de notre pouvoir sera distraite par l’esprit qui souhaite que la situation soit moins stressante.
- Deuxièmement, l’esprit a tendance à se concentrer sur ce que nous voulons obtenir de la situation au lieu de se concentrer sur ce que nous pouvons lui donner. Pour atteindre un objectif, quel qu’il soit, il est nécessaire de fournir des efforts. L’atteinte d’un objectif se produit dans le futur. Nous perdons du pouvoir en permettant à l’esprit de se concentrer sur la réalisation future. Si nous nous étions concentrés sur l’objectif d’ouvrir une nouvelle voie sur la face Est, nous ne nous serions pas concentrés sur la localisation de chaque longueur, sur la recherche des protections nécessaires et sur l’escalade. Pour être puissants, il était nécessaire de concentrer notre attention sur le moment présent, sur l’effort lui-même.
- Troisièmement, l’esprit a tendance à résister au stress et à être motivé par le confort. Il va déplacer notre attention vers un moment passé ou futur où nous serons confortables. En redescendant après notre troisième jour sur la paroi, la corde est restée coincée sur une sangle de direction que nous avions oublié de déclipper. Nous n’avons pas pu récupérer notre corde. Plusieurs tentatives pour résoudre le problème ne l’ont pas résolu. La nuit tombait et nos esprits commençaient à se demander pourquoi nous avions fait une erreur aussi stupide. Nous commencions à être frustrés l’un envers l’autre. Nos esprits ont commencé à créer de la souffrance mentale, en pensant à l’erreur stupide, à la frustration et à notre désir d’être de retour à notre confortable emplacement de camping. Il était nécessaire que notre attention se concentre sur l’utilisation de notre esprit pour penser à des solutions possibles, puis de notre corps pour les mettre en œuvre. Il a fallu une heure d’attention concentrée pour trouver une solution permettant de récupérer notre corde.
Dans chacun de ces cas, il est nécessaire d’améliorer notre conscience. Il est nécessaire d’améliorer notre capacité à remarquer quand l’esprit se détourne de l’instant présent. Au lieu de permettre à l’esprit de souhaiter que la situation soit moins stressante, nous acceptons le stress comme faisant partie de notre choix. Au lieu de permettre à l’esprit de se concentrer sur une réalisation future, nous nous concentrons sur l’effort lui-même. Au lieu de laisser l’esprit se concentrer sur une situation confortable future, nous nous concentrons sur la résolution du problème stressant auquel nous sommes confrontés au moment présent.
Nous récupérons notre puissance mentale chaque fois que nous remarquons que l’esprit détourne notre attention du moment présent. Si nous avons besoin de réfléchir, nous nous concentrons sur l’utilisation des expériences passées pour créer des solutions possibles aux problèmes. Lorsque la mise en œuvre de ces solutions possibles est nécessaire, nous nous détendons dans le stress du moment présent et nous passons à travers. Nous permettons à la souffrance physique de se produire, et nous la savourons même. La joie vient du fait de sentir le corps travailler et d’observer l’esprit penser efficacement pour résoudre les problèmes. Nous acceptons la souffrance physique et permettons à l’esprit d’observer l’ensemble de l’expérience. Cela nous rend plus conscients que la souffrance mentale est une option, une option que nous choisissons de ne pas prendre.
Conseil pratique : Les Petits Pas
La souffrance mentale peut survenir parce que vous permettez à votre esprit de se concentrer sur la réalisation de votre objectif. L’esprit va penser à tout le stress qui vous sépare de votre objectif. Trouvez plutôt des petits pas que vous pouvez faire pour atteindre votre objectif.
Identifiez un petit pas que vous pouvez faire et qui vous permettra d’agir maintenant. Ensuite, identifiez le prochain petit pas que vous pouvez faire. En procédant ainsi, vous déplacez votre attention de l’objectif futur vers l’action dans le moment présent. Vous atteindrez votre objectif avant même de vous en rendre compte.